Aujourd’hui le World Peace Council (Conseil mondial de la paix) célèbre ses 75 ans. À cette occasion nous vous partageons cet article, écrit par notre président, Jad Kabbanji, retraçant l’histoire de cette organisation.
Article initialement publié par le Journal Clarté dans son 53ème numéro (Octobre 2023)
Jad Kabbanji
Les 19 et 20 septembre dernier, une conférence régionale du Conseil mondial de la paix s’est tenu à Pachuca, au Mexique. Le Mouvement québécois pour la paix a fièrement représenté le Québec lors de cet événement, ce qui constitue une première depuis plus de 30 ans. C’est l’occasion d’examiner l’histoire du Conseil mondial de la paix et de souligner l’importance de sa mission en ces temps incertains. Qu’est-ce que le Conseil mondial de la paix ? Et pourquoi est-il primordial de renforcer la lutte pour la paix à l’échelle internationale par l’entremise du CMP ?
Aux origines, la guerre froide
Un peu de contexte avant de rentrer dans le vif du sujet. Au sortir du second conflit mondial, l’Europe est dévastée, mais le fascisme sous sa forme la plus horrible est vaincu, du moins momentanément. Si c’est grâce aux sacrifices hors-normes de l’URSS que cette victoire a été acquise de haute lutte, l’humanité dans sa grande majorité a su faire preuve d’unité dans sa lutte contre la bête immonde. Pourtant, cette alliance n’aura tenu qu’un temps.
Dès 1945, de nouvelles menaces pointaient à l’horizon. Les 6 et 9 août 1945, les États-Unis obtinrent la capitulation du Japon grâce aux bombardements atomiques d’Hiroshima et de Nagasaki. Cependant, il est important de noter que le Japon était acculé à une défaite inévitable. Encerclée de toutes parts, la puissance impériale japonaise n’avait d’autre choix que de reconnaître sa défaite, tôt ou tard. C’est dans ce contexte que le président des États-Unis, Harry S. Truman, opta pour la solution la plus meurtrière et criminelle, le bombardement nucléaire.
Toutefois, une question a longtemps préoccupé les historiens sérieux : le message de Harry S. Truman était-il réellement destiné au Japon ou avait-il plutôt pour but de faire passer un message à l’Union soviétique, marquant ainsi de manière non officielle la fin de l’alliance antifasciste ? Certainement ! Quelques mois plus tard, la rupture entre les alliés d’hier est consommée. Le 5 mars 1946, Churchill prononce son fameux discours dans lequel, il attaque nommément le camp socialiste et accuse l’URSS d’avoir dressé un « rideau de fer » entre l’Europe de l’Est et de l’Ouest. La boucle est bouclée le 4 avril 1949 avec la création de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN).
Une réponse internationale à une menace internationale
Face au danger de plus en plus imminent d’une guerre préventive déclenchée dans un esprit de revanche par les puissances impérialistes occidentales, les partisans de la paix se devaient de réagir. C’est ainsi que, du 20 au 23 avril 1949, la toute première conférence du Congrès mondial des partisans de la paix, qui deviendra quelques années plus tard le Conseil mondial de la paix, a eu lieu à Paris sous la présidence de Frédéric Joliot-Curie, lauréat du prix Nobel de chimie en 1935. Plus de 2000 délégués représentant 70 pays différents étaient présents lors de cet événement d’envergure mondiale. C’est à cette occasion que le peintre, dessinateur, sculpteur et graveur espagnol réfugié à Paris, Pablo Picasso, a dessiné sa célèbre colombe de la paix qui, depuis lors, est devenue le symbole universel de la paix.
Depuis lors, le CMP n’a cessé d’être à l’avant-garde de la lutte pour la paix en mettant de l’avant une perspective anti-impérialiste. Les principes fondamentaux sur lesquels le CMP fonde son existence sont les suivants :
- L’interdiction de toutes les armes de destruction massive et la cessation de la course aux armements ;
- La suppression de bases militaires étrangères ;
- Le désarmement général, simultané et contrôlé ;
- L’élimination de toutes les formes de colonialisme, néocolonialisme et de discrimination raciale ;
- Le respect du droit des peuples à la souveraineté et à l’indépendance ;
- Le respect de l’intégrité territoriale des États ;
- La non-ingérence dans les affaires intérieures des nations ;
- L’établissement d’échanges commerciaux basés sur l’amitié et le respect mutuel ;
- La coexistence pacifique entre les États ayant des systèmes politiques différents et la substitution de la négociation à la politique de force pour le règlement des différends entre les nations.
Le Québec, partie prenante de cette aventure
Le Québec a pleinement participé au combat pour la paix en coordination avec le CMP. Dans les années 1970, 1980 et 1990, le Conseil québécois de la paix (CQP), dont le MQP revendique la continuité, a été membre du CMP. En tant que membre du CMP, il a joué un rôle actif au sein de cette organisation, participant à son présidium et contribuant aux différentes campagnes initiées par le CMP.
C’est ainsi que le membre fondateur du CQP, Edward Sloan, a été le principal organisateur de la Conférence hémisphérique pour mettre fin à la guerre du Vietnam en 1968. Cette rencontre, qui a rassemblé plus de 2000 délégués représentant des centaines d’organisations du monde entier, a marqué l’apogée de la solidarité mondiale avec la lutte du peuple vietnamien contre l’impérialisme états-unien. Dans les années 1970, le CQP a continué à soutenir la lutte des peuples pour leur autodétermination en dénonçant, par exemple, le régime ségrégationniste sud-africain et en participant à la campagne du CMP visant à isoler ce pays sur la scène internationale. Quant aux années 1980, marquées par l’escalade de la course aux armements avec la guerre des étoiles initiée par le président Reagan, le CQP a organisé, dans le cadre d’une campagne internationale du CMP, l’une des plus grandes manifestations pour la paix rassemblant des dizaines de milliers de Québécois et de Québécoises lors d’événements simultanés dans toute la province.
Finalement, alors que la guerre froide est terminée depuis plus de trois décennies, le monde n’a jamais été aussi proche d’une guerre généralisée, c’est-à-dire nucléarisée, qui mettrait fin à toute vie sur terre. Dans ce contexte, il est plus qu’urgent de se mobiliser et de se coordonner à l’échelle internationale pour faire face à cette menace existentielle. Au Québec, c’est le MQP qui est en première ligne de ce combat et en adhérant au CMP, son combat aura davantage de poids et il pourra compter sur une organisation internationale qui a fait ses preuves par le passé et qui est appelée à jouer un rôle prépondérant dans les années à venir.